L’accompagnant humain est incontournable

  • 1 juin 2022

Entretien Causes Communes

Caroline MARTI
Député au Grand Conseil

François Mireval : Selon toi, quels sont les trois principaux enjeux cantonaux liés au numérique ?

Caroline Marti :

  1. Développer l’offre de prestations en ligne, simplifier les procédures et faciliter l’accès aux prestations, tout en maintenant des guichets physiques en suffisance. 
  2. Développer l’éducation au numérique à tous les niveaux, afin de garantir une transition numérique inclusive.
  3. Mettre à jour les outils numériques de l’administration, tout en assurant un accompagnent adéquat du personnel de l’Etat dans ce processus.

Comment agirais-tu par rapport à chacun d’entre eux si tu étais élue au Conseil d’Etat?

  1. Développer les prestations en ligne nécessite des investissements dans les outils de support de l’administration afin de renforcer la protection des données des administré-e-s. Nous devons également faire des efforts pour assurer un accès égal à l’ensemble des prestations et lutter contre la fracture et l’exclusion numérique. Pour ce faire, je souhaite développer des projets intergénérationnels en soutien aux ainé-es, mobiliser le réseau social de proximité (club d’ainé-es, maisons de quartiers) ; mettre en place des mécanismes d’accompagnent pour les plus jeunes qui eux aussi peuvent se sentent dépassé-es par l’évolution extrêmement rapide de la technologie et pour les personnes migrantes qui n’avaient pas accès aux outils informatiques dans leur pays d’origine. Toute la population ne bénéficie pas du même accès à du matériel informatique performant. Des systèmes d’aide à l’acquisition, de prêts et de mutualisation de matériel informatique ainsi que des cours d’informatique sont des options pour réduire ces inégalités. 
  2. L’apprentissage d’un usage éclairé, adapté, performant et sécurisé des outils informatiques doit devenir une mission centrale de l’Etat et de notre école publique. Non seulement la population, les enfants et les jeunes en particulier, doivent pouvoir acquérir des compétences informatiques solides, mais nous devons également les sensibiliser aux risques inhérents à l’usage des outils numériques. Je pense notamment à la protection des données privées mais aussi aux phénomènes de « bulles de filtres » et à la diffusion de « fake news ». Nous devons également les rendre attentifs au risque de manipulation de l’opinion par l’usage conjoint des données privées et des algorithmes. Ces phénomènes représentent en effet une grave menace pour notre démocratie. 
  3. Pour la droite, il est plus « vendeur » d’allouer des ressources financières à des prestations directes à la population qu’à des prestations de support. Elle s’est donc opposée à toutes les demandes de ressources humaines supplémentaires pour moderniser nos outils informatiques et adapter leur utilisation. Pourtant l’accompagnant humain de la transformation numérique est incontournable ! Les logiciels utilisés par certains services sont totalement inefficients, lorsqu’ils ne sont pas obsolètes. Il en résulte une perte de temps considérable pour les collabrateur-trices de l’Etat et une détérioration de la qualité des prestations. La modernisation des outils informatiques est essentielle pour améliorer l’efficacité de l’action publique et la réactivité dans la délivrance des prestations. 

Que souhaites-tu nous dire de plus sur ce sujet (du numérique)?

La révolution numérique modifie en profondeur nos manières de travailler, de communiquer, de se déplacer et de vivre ensemble. Les opportunités qu’elle nous offre sont considérables : gagner du temps, simplifier des procédures, bénéficier d’un meilleur accès à l’information, nous libérer de certaines tâches avilissantes, garder contact avec nos proches. Une médaille qui présente aussi un revers beaucoup moins envieux : nouvelle forme d’exploitation des travailleur-euses via l’économie « de plateforme », surcharge et stress professionnel en l’absence de droit à la déconnexion, automatisation de certaines tâches qui conduisent à la suppression d’emploi, érosion des contacts et liens sociaux non virtuels s’ajoutent aux risques mentionnés précédemment. Notre réponse à la transition et transformation numérique doit donc être adaptée au cas par cas et faire l’objet d’un véritable débat démocratique ouvert, transparent et inclusif pour saisir les opportunités tout en se protégeant des risques. 

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