S’emparer du numérique

  • 1 juin 2022

Entretien Causes Communes

Sami KANAAN
Conseiller administratif
Département de la Culture et de la Transition Numérique

Face à l’enjeu du numérique, le Parti socialiste s’engage résolument, de manière à la fois critique et créative. Je m’en réjouis. Car si on a peut-être durant quelques années laissé la thématique à des « geeks » ou à des entrepreneurs à vocation parfois messianique, c’est en réalité un enjeu de société face auquel il faut agir maintenant, et sans tarder.

François Mireval : Pourquoi avoir changé le nom de ton département ?

Sami Kanaan : Lorsque le nouveau Conseil administratif de la Ville a pris ses fonctions, début 2020, j’ai souhaité pouvoir faire figurer la « transition numérique » dans le nom de celui que je préside. Il ne s’agissait pas d’une coquetterie ou d’un effet de mode, mais bel et bien de signifier un enjeu et une volonté. 

Pour un prise de conscience de cet enjeu qui nous touche toutes et tous?

Un enjeu car le numérique nous touche en effet toutes et tous, et son rôle est forcément amené à s’accroitre à l’avenir. Ça ne signifie pas qu’il faille remplacer tous les humains qui aujourd’hui délivrent des prestations publiques municipales à la population (quand bien même ce serait possible…), mais que pour nombre de ces prestations, une partie pourra être facilitée, améliorée, fluidifiée par le numérique. Ça signifie également que l’ajout de ces outils n’est pas neutre, qu’il nécessite un accompagnement à la fois du côté de celles et ceux qui délivrent la formation et du côté de celles et ceux qui en bénéficient et doivent pouvoir le faire de manière tout aussi équitable qu’avant, voire plus.

Avec quelle transformation dans les services?

C’est cette volonté qui m’a amené à ne plus considérer les services informatiques municipaux (la Direction des systèmes d’information et de communication) comme de simples pourvoyeurs de matériel informatique, de réseau et de solutions logicielles, mais véritablement les associer dans une réflexion plus large. Comment améliorer nos prestations à l’ère du numérique ? Comment accompagner la transformation de l’administration, la formation de ses employé-es et l’évolution de leur travail ? Comment ne laisser personne au bord du chemin face à cette numérisation ? Comment assurer une sécurité optimale de la Genève numérique et faire preuve d’une véritable transparence sur les données que nous gérons ? Comment éveiller de manière critique sur les risques et les opportunités de ce monde nouveau ? Comment favoriser l’innovation et la créativité artistique de et avec ces nouveaux outils numériques ?

Pour quelle politique de transition numérique?

Autant de questions sur lesquelles je m’engage depuis deux années, avec les collaborateurs et collaboratrices du nouveau Département de la culture et de la transition numérique. Quelques réponses déjà, quelques lignes directrices fortes réunies dans une politique de transition numérique de la Ville de Genève (à retrouver sur www.geneve.ch/ville-numerique ), et des enjeux que nous débattons maintenant de manière régulière, en particulier avec mes collègues Marie Barbey-Chappuis et Alfonso Gomez, avec qui nous formons la délégation du Conseil administratif à la transition numérique.

Plus de prestations en ligne?

Il s’agit en effet tout à la fois de développer des prestations nouvelles et finalement devenues assez habituelles (réserver un terrain de sport, payer une amende, s’inscrire à un cours, …), mais qui ont pu être facilitées, tout en faisant attention de les accompagner et de permettre toujours un accès pour celles et ceux qui n’auraient pas d’accès informatique ou qui ne voudraient pas l’utiliser par choix.

Et l’inclusion numérique?

Il s’agit également de réunir les partenaires nécessaires pour penser – et peut-être panser – l’inclusion numérique. Nous avons donc réuni un réseau, avec notamment l’Université ouvrière de Genève, l’OSEO, l’Hospice général, l’association Lire & Ecrire, l’Université de Genève, avec l’objectif de mettre en place les structures nécessaires et répondre au défi de l’illectronisme, qui touche près de 10% de la population.

Comment parvenir à un numérique responsable?

Il s’agit de prendre en compte l’enjeu environnemental, trop longtemps caché, que l’on parle du coût en énergie de cette transition numérique, ou de celui de la production du matériel nécessaire, de son renouvellement et de son recyclage. Là aussi, le défi est immense et la Ville poursuit différentes pistes d’action, avec l’Institut du numérique responsable Suisse (INR-CH), mais aussi avec le Canton et différentes structures actives depuis longtemps dans le domaine, comme Itopie (www.itopie.ch ) ou Realise (www.realise.ch ).

Tu souhaites associer ici deux mots : innovation & créativité. Pourquoi?

Je souhaite que nous puissions aussi aborder de manière positive et créative le numérique. Quand on dit innovation, on pense naturellement innovation entrepreneuriale et au niveau des universités et hautes écoles. Mais je tiens à ce que les arts et la culture ne soient pas oubliés. Car je suis convaincu que les artistes ont beaucoup à apporter, par leur créativité, par leur travail fondamental de recherche, par leur regard critique et par leur capacité à développer un nouvel imaginaire, à donner du sens à un monde nouveau, qui en a bien besoin.

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